Je vous ai déjà parlé de ce trio rock parisien rencontré il y a déjà quelques années lors d’un concert bien électrique. J’avais alors été assez impressionné par leur potentiel à la fois explosif et poétique et l’univers singulier qui se dégageait de leurs morceaux inspirés par le rock 70’s, les bluesmen et l’orient. Teleferik a depuis bien mûri son projet, en poursuivant sa route, contre vents et marées : deux Ep, changement de batteur, tournée aux USA, puis enfin cet album, sorte d’aboutissement du voyage. Le groupe a même eu la bonne idée d’enregistrer, en analogique, dans studio vintage cher à mon coeur, le Black Box avec Peter Deimel, connu pour son boulot sur les disques d’Anna Calvi, des Kills, Nina Nastasia ou… Candy Flesh !
Bref tout ça n’augurait que du bon pour Teleferik, qui avait même réussi à financer son projet via une campagne de crowdfunding. Reste à savoir si le groupe parviendrait à retranscrire fidèlement sur disque l’émotion particulière et l’électricité intense qu’il dégage sur scène.
Premier point, “Lune Electric” sonne. Ça sonne même grave. Les grattes d’Arno, très Hendrixiennes, crunchent comme dans les 70’s, le son est poli, soyeux, hyper chaleureux. Son jeu, souvent inventif et plein de fantaisie, est vraiment mis en valeur. La basse, ronde, est présente et percutante. Le batteur, bien entendu, tient solidement la baraque, mais manque peut-être d’un grain de folie. C’est précis, carré, bien exécuté, peut être même un peu trop, pour un groupe à l’âme vagabonde et aux influences psychédéliques.
Et puis il y a cette voix. Eliz, poignante et vibrante. Un grain joliment éraillé et à fleur de peau, qui n’a pas peur de faire de grands écarts. Toujours très élégante, Eliz fait monter la pression aussi bien en anglais qu’en français, mais c’est en arabe, la langue de ses racines (elle est libanaise), qu’elle laisse plus aisément éclater ses sentiments. Son chant devient alors saisissant de vérité et terriblement touchant. Ce n’est donc pas un hasard si les meilleurs morceaux de l’album, et sans nul doute les plus singuliers, sont ceux chantés en langue arabe ( le blues “Belham Fik” et le très beau “Mara”).
Inspiré et inspirant, Teleferik se balade ainsi entre les racines du blues (de Robert Johnson à John Lee Hooker…) et leurs héritiers des 70’s (Hendrix, Janis Joplin, Lynyrd Skynyrd, Jefferson Airplain… ), tout en évoquant également le mysticisme de l’orient et la poésie brute de Noir Désir.
C’est donc un voyage atmosphérique au coeur de leurs influences et de leurs belles vibrations auquel nous convie Teleferik. A coeur ouvert, le groupe embrasse plusieurs styles avec plus ou moins de réussite, mais toujours beaucoup de sincérité. On retrouve ainsi deux titres phares de leur répertoire: “Bombs & Rockets”, petit tube déjanté, et “Hero”, toujours aussi percutant. Le groupe se permet également des passages plus psychédéliques (le vibrant et magnifique “Mystic Machine”, qui aurait pu être choisi comme titre final…), voire instrumentaux (“Beaumont” et “Milk Shake” qui, malheureusement, ralentissent un peu le tempo de l’album…). Des choix surprenants donc et quelques morceaux beaucoup plus banals et forcément moins passionnants (“Nature’s Creature”, “Les Lois de la Physique”).
Mais on oublie très vite ces petits écarts si on se concentre sur l’énorme potentiel émotionnel de ce groupe vraiment atypique qui nous réserve, j’en suis persuadée, plein de belles surprises dans les années à venir. « Lune Electric » reste en tout cas, une belle invitation au voyage…
Teleferik « Lune Electric », disponible sur iTunes et sur Spotify
J’aime beaucoup ce groupe, c’est chouette le chant en Libanais!