Karen Elson « The Ghost Who Walks », country folk hantée.

Alors, oui, bien sûr, Karen Elson est un ex top model anglais de l’ère Kate Moss, égérie de Karl Lagerfeld, Jean Paul Gaultier, ou Marc Jacobs, dont la jolie frimousse rousse est apparue sur plus d’une couverture de magazine. Oui, bien sûr, c’est l’épouse de Jack White, hyper actif singer songwriter (White Stripes), guitariste, batteur (Dead Weather), producteur et patron de label (Third Man Records), peut être le seul homme (avec Josh Homme) encore capable de sauver le rock’n roll des années 2000, (pas une mince affaire).
Bref, tout cela doit-il nous empêcher de pouvoir apprécier le premier album de Karen Elson, « The Ghost Who Walks », sereinement? La réponse est bien évidement négative, et dès le premier morceau, « The Ghost Who Walk », justement, Miss Karen nous cloue le bec de manière plutôt élégante en nous chantant une ballade folk rock très Nick Cavienne, à la fois sombre et planante, hantée par les spectres de Pj Harvey et Hope Sandoval. Dès la première minute, on est scié par le son de cet album très « vintage », à la fois désuet et moderne, d’où jaillissent les plus jolis fantômes de la country qu’on aime, quand celle ci est tachée de larmes et de sang, douce et amer à la fois. On pense bien sûr à Gillian Welch, au meilleur de Dolly Parton ou à la belle Alison Krauss. C’est donc dans cet esprit sudiste, qui sent bon la vieille dentelle et les rocking chair qui craquent, que se déroule, comme dans un film de Wim Wenders (« Paris, Texas »), l’album de Karen Elson, dans ce sud imaginaire, peuplé d’ombres impétueuses.

« The Truth is In The Dirt on the Ground », gronde Karen, avec une sincérité désarmante. Et on la croit. La belle vient réveiller les fantômes de Nashville, c’est plein de guitares slides, de vieux orgues, le break bluesy sonne un peu comme du White Stripes (c’est Jack qui produit, on ne peut pas lui en vouloir…). Mais les morceaux sont bien là. Sincères, généreux, prenants. « Pretty Babies » aurait pu figurer dans le premier Shivaree, quand Ambrosia Parsley venait souhaiter bonne nuit à la lune, de sa douce voix de Betty Boop country. S’en suit  » Lunasa »,une belle ballade dans la grande tradition Dolly Parton, puis sur « 100 years From Now », Karen et White invoquent les fantômes du cabaret à la Kurt Weill, mais version saloon. Puis Karen Elson devient vraiment étonnante sur le merveilleusement désuet « Stolen Roses », ballade moyenâgeuse d’amoureuse en pleurs, dans le genre, on avait pas entendu un truc aussi triste et charmant depuis le fameux « Where the Wild Roses Grow », de Nick Cave, dont ce morceau s’inspire ouvertement.

Difficile d’enchainer après cela, et « Cruel Summer » parait du coup, un peu fade malgré des arrangements sortis tout droit du saloon d’un film de John Ford. « Garden » s’avère un peu plus rock, Karen pleure presque comme Alela Diane, dans ses aigus. C’est assez beau et tendre. Miss Elson remet ici, tout le monde à sa place, et prouve qu’elle est une vraie chanteuse mélancolique dans la lignée de Mariee Sioux, Nina Nastasia et consoeurs, et non pas une énième poupée de cire, poupée de son. En témoignent les ballades finales aux arrangements précieux et délicats « The Birds They Circle » et « A Thief At My Door ». Et c’est peut être là, tout le génie du producteur /mari: pour ne pas sonner comme 90% des productions folk actuelles (guitare- voix, dépouillé, quasi Lo-Fi, cf le premier Alela Diane), White et Elson choisissent des arrangements chaleureux et chatoyants, plein de violons grinçant, vieux d’âge mais terriblement touchant, de guitares jouées au Bottle Neck, de piano de saloon abandonné et de larmes Dolly Partonienne. Le son, la voix et les morceaux de « The Ghost Who Walks » nous transportent donc dans un autre temps, imaginaire, fantasque, rêvé, plein de jeunes filles en pleurs et de femmes abandonnées…Un très bel album de genre, sincère et touchant, qui révèle une vraie voix atypique, élégante, sorte de June Carter des temps modernes…

Karen Elson , « The Ghost Who Walks », Third Man Records, 2010.

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