Trois ans après leurs débuts furieux, le duo californien Deap Vally revient en force asseoir sa place singulière dans l’échiquier rock’n’roll d’aujourd’hui.
A l’écoute de l’excellent Sistrionix (2013, chroniqué dans ces pages), j’avais peur du one shot. Ces filles là jouaient vite, jouaient bien, le concept était cool (deux nanas en pétard, des riffs bluesy à gogo), super stylé, presque parfait. Heureusement Lindsey Troy et Julie Edwards sont plus malignes qu’on le croyait, et viennent clouer le bec illico presto à tous les cyniques du monde entier avec ce nouvel album haut en couleur, bourré de références qu’on adore et porté de bout en bout par un message féministe puissant et libérateur.
Car les filles ne mâchent pas leurs mots, et bien aidé par des riffs de guitare lourds et fuzzy très 70’s, le rock’n’roll de Deap Vally se débride un peu plus pour laisser sortir la rage (“Little Baby Beauty Queen”), et porte un regard avisé sur la condition féminine moderne. Qu’elles fustigent les attitudes misogynes sur “Smile More” ou les critiques/cyniques qui se cachent derrière leur ordinateur (le génial “Critic”) le duo prône ici la libération : “I’m gonna do what I wanna !”, scande Lindsay haut et fort sur Gonnawanna, titre hymne fédérateur qui s’inspire plutôt du “Hero” de Bowie.
Musicalement les filles élargissent largement leur palette heavy blues. Même si l’influence Zeppelin/ Sabbath reste le fil conducteur général (et génial) du projet, Lindsay et Julie viennent ici également piocher un peu plus loin dans le panthéon du rock: du grunge (“Grunge Bond” piqué au « Love Buzz » de Nirvana, “Teenage Queen”, “Little Baby Beauty Queen”, aux thématiques et envolées un peu volées à Hole), au post punk à la Slits (“Post Funk”), en passant par un titre plus inspiré 50’s (“Two Seat Bike”). Le tout est produit par Nick Zinner (guitariste des Yeah Yeah Yeahs), une évidence tant la filiation paraît naturelle. Résultat: un son brut et fuzzy à souhait qui rappelle évidemment le premier Yeah Yeah Yeahs mais qui colle parfaitement à l’esprit sauvage et sexy du duo.
Dense, mature et survolté, voilà enfin un vrai album de rock’n’roll en 2016 à explorer avec un plaisir non dissimulé…
Deap Vally « Femejism » © Cooking Vinyl 2016