Mazzy Star nous avait laissé tristement sur le bord de la route en 1996, après avoir sorti trois albums merveilleux à quelques années d’intervalles, dont un chef d’oeuvre (« So Tonight That I Might See » en 93), qui a traumatisé une génération entière de chanteuse à la mélancolie lancinante (voire dépressive). Souvent imité mais jamais égalé, Mazzy Star avait laissé une empreinte indélébile, avec ses morceaux vénéneux et psychédéliques, hérités de l’âge du du rock californien (Doors, Love…), tout en vouant une adoration pour les maltraitances déglinguées du Velvet Underground. Mené par le duo David Roback/Hope Sandoval, ce groupe sensuel au charme diabolique n’a jamais cessé de hanter mes nuits et celles de milliers d’inconsolables mélomanes du rock.
On oublie un peu avec l’âge, l’impact que peut avoir un seul disque, un seul morceau, une seule oeuvre sans âge d’une beauté glaciale et sidérante, une voix embrumée de blues, de chagrin et de sexe, une guitare brodée avec trois arpèges d’une infinie délicatesse, d’une infinie tendresse, d’une infinie brutalité. On oublie. On oublie. Blasé par le temps qui passe et les tonnes de disques écoutés, digérés, recrachés dans nos propres morceaux. On oublie hélas, on oublie, que ce groupe là a un peu changé votre vie. C’est vrai. J’avais 16 ans.
Alors en 2013, que penser de « Seasons of Your Day », premier album en 16 ans de ce duo maso?
En 2013, rien n’a changé. Rien n’a bougé. Le temps s’est arrêté pour Hope, David et leur musique hantée. Définitivement irrécupérable le duo joue toujours sa douce mélancolie sans se soucier des années, de modes, du temps qui passe, des rides, de l’âge. Hope Sandoval pleure toujours de sa voix de baby doll neurasthénique, David Roback tisse toujours ses délicieux arpèges crève coeur. Ils aiment toujours autant les 70’s, Neil Young (« Lay Myself Down ») et le blues teinté de psychédélisme dépravé (« Flying Low », « Does Someone Have Your Baby Now »). Encore capable de nous faire trembler sur des ballades crépusculaire à la « Into Dust » (« Seasons Of Your Day »), et de retrouver un parfois un peu la lumière (« I’ve Gotta Stop » petite soeur de « Flowers In December »), Mazzy Star peut même encore se vanter, 16 ans plus tard de pouvoir sortir des morceaux sublimes et accrocheurs (le très beau « California »), à la beauté intacte et pure, que leurs héritiers auraient rêvé de leur piquer.
Certes, on est moins émoustillé qu’en 1996. Certes on a plus 16 ans. Certes, dorénavant on connait la chanson. Mais toujours impressionné par la simplicité et la grâce confondante de leurs morceaux planants, on ne peut que reconnaître la légitimité de leur règne au pays des songes. Et visiblement, il n’est pas près de s’achever…