Il y a deux ans déjà, je vous parlais dans ces pages de ce duo singulier et attachant, mené tambour battant par une chanteuse/serial killeuse du rock à talon aiguille. Sur son premier Ep, armée de guitares tranchantes façon massacre à la tronçonneuse, Johanna Serville détruisait les barrières et les clichés du rock, du folk et du punk pour délivrer des morceaux habités et déchirants oscillant entre larmes et fureur.
Ce premier album, « Storm », reprend donc les choses là où la belle nous les avait laissé: le souffle coupé par sa grande liberté d’écriture (on se souvient de « Twin Sister », sur le 1er ep…), et sa capacité à jouer avec nos émotions à grand coup de montagnes russes. Si on la compare souvent à Pj Harvey, ce n’est évidement pas pour rien. Elle a cette façon très punk et singulière de déstructurer les guitares, en y posant un chant brut totalement libéré, qui laisse la place à l’émotion. Car Johanna chante et joue à coeur ouvert, sans chichi, sans fioritures, sans jamais en rajouter. L’équilibre est parfait entre explosion de fureur (« Cunt ») et moment d’intimité (le très beau « High Heels », 2 titres déjà présents sur le premier Ep). Héritière du punk (« Jesus Is My Girlfriend »), elle en recrache l’essentiel, se jouant des leçons et des conventions avec une liberté déconcertante.
Si « Woo Hoo » ou « Shame » reprennent plusieurs gimicks Pj Harviens, on ne lui en tiendra pas vraiment rigueur, car la belle et son acolyte batteur/soliste sonique sont assez doués et malins pour nous faire avaler la pilule l’air de rien. Puis cela fait tellement longtemps que l’amie Polly ne nous a pas sorti un album digne de ce nom qu’on est pas forcément mécontent d’écouter des morceaux qui s’inspirent avec brio de ses heures de gloire (« Dry » et « Rid Of me » of course). Mais surtout, à plusieurs reprises sur l’album, Johanna tente de s’émanciper de sa cousine du Dorset, en mettant de l’eau dans son vin empoisonné et vient s’aventurer sur d’autres terres habités: sur « Hard Enough » on pense au folk hanté de Nina Nastasia qui s’achève sur un coup de tonnerre sonique (Sonic Youth est passé par là). Sur le très beau et bien nommé « Woman », Johanna, la voix tremblante et prenante, chante comme Beth Gibbons, mais surtout elle se libère totalement et prend toute son ampleur sur « Vain Lullabies », un sublime morceau de larme et de sang. Puis le rock sauvage reprend du terrain sur « Kiss Me Sweet » sur lequel plane le fantôme sexy et brumeux des Kills. Enfin la colère gronde et la tempête sinueuse, sombre et inquiétante (« Storm ») qui représente bien la musique de Jesus Is My Girlfriend, ravage tout sur son passage.
Ne choisissant jamais son parti entre rage et volupté, chagrin et fureur, Jesus réussit le pari de l’album en beauté. Un groupe définitivement à suivre de très près.
Plusieurs dates sont prévues dans le sud de la France, toutes les infos ici.