Interview d’Eugénie Alquezar, chanteuse de Parlor Snakes

Découvert par hasard cet été, le groupe de rock garage parisien Parlor Snakes monopolise depuis ma platine avec leur très bel album « Let’s Get Gone », que j’ai déjà évoqué dans ces pages. Hypnotique, sauvage et cultivé, « Let’s Get Gone » propose en effet un voyage cinématographique au coeur de l’Amérique déjantée et de ses idoles rock’n’roll, au cours duquel on croise les fantômes de Debbie Harry, Jeffrey Lee Pierce, Roy Orbison ou John Lee Hooker…
Ma curiosité aiguisée, je m’en vais donc ce jour là m’entretenir avec leur jolie chanteuse, Eugénie, comédienne et front-woman de velours de ce combo décidement passionnant…

Tout d’abord merci d’avoir accepté cette petite interview!
Eugénie: merci à toi!

On va parler un peu des débuts du groupe…J’ai lu que vous vous étiez rencontré lors d’un mariage…c’est pas banal!
Eugénie: Effectivement! Peter (guitariste et co leader du groupe) et moi même nous nous sommes rencontrés à son propre mariage avec la batteuse du groupe à l’époque. Nous nous connaissions avant, mais ces quelques jours de fête ont décidé de la création du groupe. Nous étions très insouciants mais motivés et … un peu ivres!
On s’est mis au boulot et aujourd’hui nous sommes toujours ensemble, à faire de la musique autour de PARLOR SNAKES. Peter était déjà guitariste dans des groupes à New York et moi je chantais aussi pour d’autres formations. Les rôles se sont donc établis facilement et rapidement. On a bossé comme ça pendant un an, le temps d’écrire des chansons, puis on a fait nos premières scènes…

C’était il y a combien de temps?
Eugénie: C’était il y a 8 ans… quelque chose comme ça! Le temps passe vite…

Ca c’est sûr! Mais le line up du groupe a changé depuis je crois?
Eugénie: Oui. Nous avons changé de formations quelques fois. De bassiste et de batteur. Le bassiste est devenu UNE bassiste et la batteuse UN batteur! Aujourd’hui nous sommes très heureux du line up. Sachant que le noyau dur du groupe, Peter et moi, lui, n’a pas changé et ne changera pas.

Deux filles, c’est une constante dans le groupe alors?
Eugénie: Nous aimons bien la mixité. Cela apporte autre chose sur scène. Mais nous jouons de temps en temps avec un bassiste homme et c’est très bien aussi. Ce qui compte ce sont les chansons mais aussi l’énergie sur scène, le côté show est important pour nous.

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Je crois avoir lu aussi que tu étais comédienne?
Eugénie: Oui je le suis! C’est sans doute aussi pour cela que je te parle de « show ». J’aime la mise en scène. Mais attention, il ne s’agit pas de faire quelque chose qui ne serait pas naturel, mais de le pousser, de l’exacerber, pour créer quelque chose de différent sur scène. Le fait que je sois comédienne est un plus dans ce sens là sans doute. Tous les membres du groupe sont sensibles à cette idée. Les groupes ou les chanteurs que nous aimons sont souvent dans ce cas de figure. On les voit sur scène et on est transporté par leur énergie, leur sens de la scène et de la musique.

Qui compose dans le groupe?
Eugénie: Peter écrit la musique. Nous bossons souvent tous les deux dans un premier temps, je colle mes textes ou les nôtres, je fais la mélodie vocale. Et puis nous passons à la répétition avec les autres membres. Mais cela peut changer. Parfois c’est un rythme de batterie qui amène la composition.

Puisque tu parlais des groupes que vous aimez… Dans votre disque on ressent vraiment une grosse influence rétro, Cramps/Gun Club/Blondie, c’est à la fois très cinématographique et très garage, il y a certainement d’autres groupes que tu aimerais citer…
Eugénie: Je suis très contente que tu cites ces gens là. Ce sont effectivement quelques unes de nos influences mais oui, il y en a d’autres. Iggy Pop, les Stones, John Lee Hooker, PJ Harvey, Elvis Presley, Roy Orbison sont des artistes que nous écoutons souvent. Mais cela évolue. J’étais dernièrement au concert de Prince et cela n’a rien à voir avec notre musique, mais c’est quelqu’un qui m’influence aussi. C’est sans doute plus personnel.

Au niveau scènique tu veux dire?
Eugénie: Oui. Mais c’est souvent les gens qui écoutent notre musique qui citent d’autres artistes. Par exemple, c’est un artiste qui nous a dit, après un concert en Italie, que notre musique lui faisait penser au Gun Club qui aurait rencontré Blondie!

C’est marrant, j’y avais pensé aussi! Disons qu’il y a un côté très sexy et en même temps assez sauvage dans votre musique. On pense forcément à Blondie pour le côté glamour, et puis il y a ce truc un peu indomptable à la Gun Club, dans les guitares, genre de blues déglingué…
Eugénie: Tout à fait!

On sent que vous avez une identité musicale très marquée, très travaillée aussi dans le son.
Eugénie: merci!

On voit que vous y avez longuement réfléchi, que le projet a eu le temps de murir et d’évoluer…
Eugénie: Disons que cela prend du temps pour trouver son propre son, sa propre identité. Et Peter m’a fait découvrir énormément de groupes. Il est très au courant des nouveautés mais a également une culture musicale énorme. Faire de la scène est sans doute ce qui nous a permis de développer notre son et notre identité. Et changer de line up, cela amène de très bonnes surprises aussi.

Puisqu’on parle du son, où avez-vous enregistré votre album? Qui s’en est chargé?
Eugénie: Nous avons enregistré avec Bertrand Lantz au Studio Mupson, au Kremlin Bicêtre. Bertrand est surtout un ingé son de live, ce qui nous plaisait, et il avait déjà fait notre son notament à la Machine du Moulin Rouge, en première partie de Jim Jones Revue. Nous en avions été content alors nous l’avons pris pour l’album.

Vous aviez une idée précise de ce que vous vouliez faire? Ou c’est lui qui vous a aiguillé vers un certain type de son?
Eugénie: Nous savions déjà ce que nous voulions. En gros en tout cas! Nous en avons discuté avec Bertrand, écouté divers groupes, et les prises de son ont été faite dans ce sens là. Mais le plus gros du travail a été sur le mix. Nous l’avons fait en plusieurs étapes. Ecouter, réecouter, prendre du recul, retravailler jusqu’à ce que nous soyons contents.

Vous aviez des albums précis en tête pendant le mix?
Eugénie: Pas d’albums précis mais des sons de batterie, des réverbes de guitares, de la saturation, des effets de voix. des choses par ci par là. Nous étions toujours tous d’accord, en tous cas quand ce n’était pas ce que nous voulions!

En tout cas le son de l’album est vraiment excellent. Cela correspond tout à fait au style. Le mix est bien rock et la production est assez inventive, ce qui est plutôt rare chez un groupe autoproduit. Mais en fait vous avez un label je crois?
Eugénie: Oui nous sommes sur le label Double Legs. C’est un petit label mais le producteur qui travaille avec nous croit beaucoup en nous. C’est agréable d’avancer avec quelqu’un qui est passionné comme nous et qui prend des risques. Même si le label est petit et n’a pas beaucoup de moyens, on se débrouille!

En tout cas, ça le fait! Comment avez-vous rencontré ce producteur?
Eugénie: Nous sommes une petite équipe, mais soudée. Yves Plouhinec, le producteur, nous avait vu en première partie de Little Bob à la Boule Noire et par la suite nous a proposé de sortir un single 45t chez lui. Et maintenant c’est l’album. Nous avons ensuite rencontré notre manager, Matthieu Morin, et l’équipe s’aggrandie aujourd’hui autour de Parlor Snakes.

Revenons un peu à la composition, qui écrit les textes? C’est toi?
Eugénie: C’est moi. et parfois c’est Peter. Et parfois c’est nous deux.

De quoi parlent-ils?
Eugénie: D’amour; de rejet, de sexe, de colère! Nous sommes également influencés par le cinéma, la littérature. mais souvent les textes collent à nos vies.

Comment en es-tu venue au rock? Quel est ton rapport à cette culture, à cette musique?
Eugénie: J’ai toujours voulu faire du rock, du plus loin que je me souvienne. J’ai découvert les premiers clips sur MTV, les vinyls de mon père, les concerts, assez jeune. Et puis j’ai eu envie d’être comédienne. Et puis de nouveau la musique est revenue, comme si elle ne m’avait jamais lâché en fait. J’ai fait partie d’un groupe de performance pendant quelques années, dont le principe était d’amener le théâtre dans des lieux pas fait pour ça; donc des lieux rocks, undergrounds, des boites. Ce milieu là m’a toujours plu et je suis une fille souvent en colère. Le rock c’est parfait pour moi! C’est un milieu dans lequel je me sens à l’aise en comparaison avec le milieu du théâtre qui est beaucoup plus guindé. Il y a quelque chose de l’ordre de l’instantané dans le rock qu’il n’y pas ailleurs je trouve.

ça va donc de paire avec ton travail de comédienne?
Eugénie: Pour moi les deux sont liés.

Je comprend tout à fait.
Eugénie: C’est un plus.

J’ai fait pas mal de théâtre moi aussi, et pour moi le rock c’était une bouffée d’oxygène, quelque chose de beaucoup plus libre!
Eugénie: ah oui, je ne savais pas! Tu vois ce que je veux dire alors!

Tout à fait. C’est totalement lié, le chant, le corps de l’acteur, la performance scènique…C’est une sorte de continuité, sauf qu’il y a plus de liberté à jouer sa propre partition plutôt que celle d’un autre.
Eugénie: lorque l’on est comédienne il faut se mettre dans la peau d’un personnage et se plier à un certain nombre de contrainte pour le servir au mieux. Dans le rock, il y a un peu de cela, mais il y a surtout la liberté de faire ce que tu veux, ce que tu sens, au moment où tu le sens, sans que personne ne vienne te dire, « non c’est pas comme ça qu’il faut faire »…Je dis cela mais en même temps jouer me manque, j’ai besoin des deux!

Je comprend. On ne s’évade pas de la même façon… Et dans le théâtre il y a aussi le plaisir de jouer de beaux textes!
Eugénie: Et puis je ne sais pas si tu ressens cela, mais les gens ont parfois besoin de coller des étiquettes et ne comprennent pas qu’un artiste c’est une personne pluridisciplinaire, qui sait faire plein de choses et utiliser diverses formes d’art pour s’exprimer…

En effet…
Eugénie: Mais oui pour moi, les deux sont liés, comme pour toi. Et je suis sûre que le fait d’avoir commencé par faire de la danse classique, c’est lié aussi, j’imagine.

Quels sont les artistes qui t’ont donné envie de faire de la musique et de monter sur scène?
Eugénie: J’ai toujours été fasciné par les Rolling Stones car mon père écoutait énormément cette musique quand j’étais gamine. Après il y a eu Prince pour son côté provoc’ et ses chansons sexuelles, Bowie aussi….

Comment vis-tu le fait d’être une fille dans un groupe de rock (milieu parfois un peu machiste tout de même…)?
Eugénie: Je le vis plutôt bien! jusqu’ici je n’ai rencontré que des gens, des hommes donc, plutôt bien. J’ai même le sentiment que le fait d’être une fille est un plus…. une fois que tu as fais tes preuves! J’ai des souvenirs de balances ou tu sens les techniciens, les musiciens d’autres groupes, les régisseurs qui attendent que tu ouvres la bouche, que tu sortes un son et que le groupe envoie la musique pour te dire… ah ouais, c’est cool! De manière générale, cela se passe bien. Je n’ai jamais été confronté à certains bonhommes malsains comme j’ai pu en rencontrer au théâtre entre nous! Et puis nous sommes un groupe mixte, il n’y a pas que des filles. Donc il y en a pour tous les goûts! Et toi?

Disons que quand tu es une fille, j’ai le sentiment que tu dois d’avantage faire tes preuves, on t’attend au tournant quand on te voit arriver. Tu n’es pas forcément prise au sérieux au premier abord…
Eugénie: Mais par contre, une fois que tu as fais tes preuves, ça roule et les gens sont plus attentionnés peut être. Car finalement nous sommes peu nombreuses à faire du rock!

C’est vrai, nous sommes en minorité!
Eugénie: c’est plutôt bien pour nous!

Sinon quels sont les groupes actuels que vous écoutez?
Eugénie: On a beaucoup écouté Dirty Beaches, Jim jones Revue, et puis Peter m’a fait écouté une nana qui s’appelle Lana Del Rey que j’aime beaucoup. The Ettes aussi. Et puis de la soul: Charles Bradley, Raphael Saadik. Et toujours Tom Waits, Jon Spencer entre autres…

Que penses-tu de la scène rock parisienne actuelle? Trouvez-vous facilement des concerts?
Eugénie: Pour l’instant nous n’avons pas de tourneur en France. Nous en avons un en Italie. Donc la recherche de concerts passe par moi et notre manager. ça n’est pas toujours facile, il y a beaucoup de demandes, beaucoup de groupes et pas tant de lieux que cela finalement en dehors des grosses scènes. Mais avec la sortie de l’album, la recherche est facilitée par la légitimité de la sortie. Le tourneur est nécessaire maintenant pour nous. nous aimerions pouvoir nous placer plus souvent sur des premières parties car elles apportent plus de visibilté.

C’est certain. Et puis il y a de moins en moins de lieux prêt à accueillir convenablement des groupes de rock…
Eugénie: Disons que les lieux ont de plus en plus de contraintes. Maintenant nous tournons beaucoup en Italie et les choses sont très différentes là bas. Les concerts ne démarrent jamais avant 1h du matin et durent jusqu’au levé du jour. Nous avons très rarement été confronté à des limites de son et d’heures.

Le grand problème de la France et du rock…
Eugénie: c’est clair! C’est dommage, mais nous n’avons pas cette culture là et nous sommes des couche-tôt!

Pour finir, quels sont vos projets futurs? Votre album ne sort qu’en janvier je crois?
Eugénie: Il sort en digital mi octobre et la sortie physique, dans les bacs, en janvier, sur le distributeur Modulor.

Vous serez le 1er octobre au Gibus, d’autres dates à venir?
Eugénie: 1er octobre au Gibus, du 20 au 22 octobre à Clermont Ferrand, mi décembre en Italie, et le 28 janvier au Bus Palladium. D’autres dates a venir…

Cool! Plein de belles dates en perspective!!! Y-a-t-il quelque chose que tu souhaiterais ajouter?
Eugénie: je te remercie Clara, c’est un plaisir d’échanger avec toi. Notre single sortie l’année dernière « Shotguns » est toujours disponible sur www.handsandarms.com

C’est noté! Rendez vous en live alors!
Eugénie: avec grand plaisir! A bientôt rebel girl*

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