Dernier jour du mois de juin suffoquant. Rendez-vous au Gambetta, petit « club » à l’atmosphère singulière, à deux pas de la Flèche d’Or, pour découvrir, en live, un groupe assez incroyable, dont le premier Ep m’avait vraiment impressionné: les Bloodthirsty Hippies.
La soirée commence tout en douceur avec Long John Silver , duo guitare voix, folk rock, tendance cowboy du désert, plutôt bien senti. Les premiers morceaux sonnent justes, dans le genre, on sent bien l’influence Neil Young, Elliott Smith, Mark Lanegan… De jolis arrangements de guitare parsèment le tout, plutôt élégamment, mais le concept s’essouffle malheureusement assez vite. Malgré leur belle authenticité, on perçoit quelques petites faiblesses dans les voix, qui méritent, sans doute, d’être un peu plus exploitées et travaillées, ce qui est bien dommage, car leur concept est pourtant, plein de sympathiques promesses.
C’est ensuite au trio So Was The Sun d’investir la scène et c’est plutôt une bonne surprise. De bons morceaux soignés, tranchants, tantôt mélancoliques, tantôt rageurs. Le groupe repose essentiellement sur les épaules de Palem, chanteur, guitariste, sincère et habité,qui officie également au sein des Bree Van De Kamps. Avec sa voix puissante et touchante, capable, aussi bien, de tendre vers un lyrisme à fleur de peau à la Thom Yorke, que d’accès de rage punk à la Franck Black, Palem étonne. Les morceaux de So Was The Sun sont carrés, puissants, parfois bien violents. Dommage que le reste du groupe reste de marbre. Scèniquement, Palem mène la barque mais aurait bien besoin, parfois, du soutien de ses collègues rythmiques qui sont tout de même un peu mollassons.
Une atmosphère électrique surchauffée envahit le triste Gambetta dès l’entrée en scène des Bloodthirsty Hippies. Tout est là. L’attitude. Le look. Les morceaux. Complètement dans l’air du temps, mais avec trois bonnes longueurs d’avance, ces quatre hippies déjantés me laissent, une fois de plus, sans voix. Les morceaux de leur premier Ep se retrouvent transcendés, explosés. ça joue fort, vite, bien. C’est sexy, glacial, sauvage. ça fait penser à plein de trucs bien qu’on a envie de réécouter à nouveau, (Siouxsie, B 52’s, New Order…), le tout, passé à la moulinette du psychédélisme électrique le plus dérangé. Le groupe mixe ses influences cultivées avec une intelligence incroyable, sans complexe, sans chichi, et avec un bon sens de la rock n’ roll attitude. Les personnalités, toutes très différentes, se complètent brillamment, pour former un beau collectif de hippies assoifés de sang.
Lia, baby doll diaphane et hypnotique, délivre un chant glacial et distant très Siouxsie, avec une élégance et une classe singulière assez troublante, à mille lieux des clichés du genre. Alex triture sa guitare dans des accès de rage sauvage et sexy. Max, batteur charismatique, frappe, l’air de rien, comme un damné, le sourire aux lèvres, tandis que Man, le bassiste, se tient un peu en retrait avec une élégance distinguée. Bref, ça cartonne tant et si bien que le public leur réclame trois rappels pendant lesquels les Bloodthirsty Hippies osent même s’attaquer au classique des classiques du rock’n’ roll sauvage, « I wanna be your dog » des Stooges. Exercice difficile, malgré les apparences, dont les hippies se sortent plutôt bien, en jouant à fond la carte du rock déglingué, très punk, très sanglant.
Après un show aussi réussi, j’imagine aisément que, dans une salle un poil plus accueillante, ces quatre hippies là pourraient vraiment casser la baraque et mettre la concurrence complètement K.O. Prochain concert: le 30 septembre au Klub.
photos: Stéphane Dalle.