Prêtresse ultime des 90’s, icône intouchable, grande soeur fidèle de biens des rockeuses d’aujourd’hui, Pj Harvey avait repris le flambeau enragé de Patti Smith dès la sortie de son premier album vénéneux “Dry” (1992), qui nous avait tous laissé sans voix et avait un peu bouleversé nos vies. Elle incarnait cette figure féminine à la fois forte et fragile, les nerfs à vif et la guitare acérée. Un songwriting dément taillé dans le blues et le grunge. Une voix sensationnelle, sale, puissante mais toujours pleine d’élégance. Vous le savez. Si il y a bien une artiste que je n’ai pas envie de dégommer, c’est bien Pj Harvey.
Mais voilà, on est en 2016. Et il y a déjà bien longtemps que Polly n’a pas sorti un disque digne de ce nom. On a beau être fan, je ne vois rien de vraiment palpitant depuis l’an 2000 et son merveilleux “Stories From The City, Stories From The Sea”. Si “Hu Hu Her” en 2004, contenait quand même quelques beaux restes, franchement, il n’y avait pas grand chose à tirer de l’affreux “White Chalk” dans lequel notre princesse indie s’était métamorphosée en bonne soeur victorienne avec une voix insupportablement haut perchée. Que dire du brouillon “A Woman A Man Walked By” (2009) et du chiantissime “Let England Shake” (2011) ? Sorry Pj, mais tout ça m’a paru d’un ennui profond, bien loin de la ferveur magique des premières années de grâce.
On en est là. Et ce dernier album “concept” nous dit-on, est bien loin de me réconcilier avec mon ancienne chanteuse préférée. “The Hope Six Demolition Project” part pourtant de nobles sentiments. Pj a parcouru la planète avec le photographe Seamus Murphy, de l’Afganisthan au Kosovo en passant par les quartiers pauvres de Washington D.C., afin de nourrir de manière concrète et engagé son inspiration. Un projet ambitieux et surprenant pour celle qui nous avait plutôt habitué à l’introspection dans ce qu’il y a de plus sombre et de plus tortueux. Alors bien sûr, on ne peut que saluer la prise de risque, le choix du sujet, et tant de beaux sentiments.
Le problème, c’est que tout ça ne fait pas un disque. On a beau avoir un sujet poignant, difficile, important, bien sûr, ça ne fait pas de bonnes chansons pour autant. Et c’est bien là que le bât blesse. Car des chansons, dans ce disque, je n’en ai pas entendu. Pj Harvey se perd au milieu de sa prose, sous des couches fracassantes de choeurs sans queue ni tête. Lourdingue et bancal, on ne comprend pas grand chose à tout ce remue-menage sans couplet, ni refrain, sans commencement et sans fin. Car n’est pas Robert Wyatt qui veut, ou même Pink Floyd, ou encore Brian Eno. Tout ça sied bien mal à notre princesse déchue qui se noie malgré elle sous un lyrisme fumeux, embrouillée par un saxophone à la délicatesse d’un mamouth. Ce disque sonne comme une jam session, un peu trop longue et terriblement ennuyeuse à laquelle on est même gêné de devoir assister.
Car on l’aime bien notre bonne vieille Pj. On aimerait bien qu’elle se réveille de ses concepts plombants, qu’elle laisse ça aux autres, celles à qui la grandiloquence sied comme un gant, et qu’elle se décide enfin à revenir à l’essentiel : écrire des f*** songs.
Pj Harvey « The Hope Six Demolition Project » Island Records 2016.