Pour ceux qui ne connaîtraient pas encore, Anna Calvi c’est cette jeune anglaise que la presse rock du monde entier a hissé au rang de star dès la sortie en 2011, de son joli premier album éponyme. Enregistré en France au magique studio Black Box, ce disque riche et puissant laissait apparaître une artiste surdouée à la voix lyrique et puissante. Inspirée par ses idoles, Patti Smith, Jeff Buckley, Nina Simone, Elvis ou même Edith Piaf, la jolie Anna se révélait être une étonnante songwriter, entre murmures et envolées planantes, la finesse et la virtuosité de son jeu de guitare en avaient cloué plus d’un sur place.
Un peu dépassée par les événements, celle qui ne pensait vendre qu’à peine 5000 exemplaires, avait d’un seul coup dû endosser le lourd fardeau d’espoir du rock alternatif, en écoulant son petit bijou à plus de 170 000 copies à travers le monde (ce qui dans l’état actuel des choses est plutôt un exploit). Adoubée par la planète rock et fashion (Brian Eno la compare à Patti Smith, Frida Gianni de Gucci l’habille sur scène, Karl Lagerfeld et Paul Smith la photographient sous tous ses angles…) Anna Calvi n’avait, pour la suite, pas le droit à l’erreur si elle voulait conserver son statut très privilégiée.
Et c’est sans soucier des modes et des conventions que la belle anglaise continue de creuser le sillon d’un rock atmosphérique, onirique et sensuel. Son nouvel album « One Breath » débute comme le « Rid Of Me » de Pj Harvey, en offrant « Suddenly » un morceau sec et incisif qui s’achève par de magnifiques envolées lyriques qu’on avait pas entendu depuis Jeff Buckley. On le savait déjà, Anna fait à peu près tout ce qu’elle veut de sa belle voix grave, dramatique et puissante (dont certains accents évoquent certes bien souvent Patti Smith et donc Pj Harvey), et sait tout aussi bien malmener sa Telecaster avec grâce et brio. Plus expérimental, cet album pourtant profondément rock (« Love of my Life », « Eliza ») se permet des écarts parfois limites (l’un peu trop electro-minimaliste « Piece by Piece »), et d’autres bien plus convaincants (l’atmosphérique « Bleed Into Me » toujours inspiré Buckley).
Tout au long de l’album, Anna Calvi et son producteur John Congleton, effectuent (toujours au studio Black Box…) un travail assez incroyable sur le traitement des voix, extrêmement mises en scène et en valeur dans un écrin de soie (en témoigne le dernier titre « The Bridge » qui se rapproche plus du chant sacré que du rock). Enrubannés de cordes, d’échos, de murmures et d’arrangements en tout genre, les morceaux soignés apparaissent ainsi parés comme des petits trésors de musique contemporaine, vibrante et émotive, presque hors du temps.
Bref c’est un peu la classe tout ça. Même si au final, le résultat est un peu moins clinquant que sur le premier opus, sans doute plus accessible, Anna Calvi n’a rien perdu de sa superbe. Plus expérimental, « One Breath », marie avec grâce et nuance un rock nerveux et lyrique avec la complexité et un goût de l’exploration propre à la musique contemporaine, qui demande certes plus d’une écoute avant de pouvoir réellement l’apprivoiser.