Il est de ces groupes mystérieux, sombres et envoûtants dont on tente de garder précieusement le secret. A tort. Après plusieurs albums sortis chez Matador dans les années 90 (notamment les fabuleux « Amanita » et « Dilate »), Bardo Pond ressort de l’ombre et nous propose un nouveau voyage psychédélique furieusement décalé, avec un album éponyme inquiétant, distribué par Fire Records.
Moins branchouille que leurs potes de Mogwaï, moins fun que les Black Angels, Bardo Pond est un groupe sans compromis, aventureux, et complexe, qui explore langoureusement les terrains glissants du space rock psychédélique, depuis 20 ans, sans jamais avoir suivi les modes ou changé de cap. Autant influencé par Pink Floyd, Amon Düül II que par Sonic Youth ou My Bloody Valentine, le groupe évanescent de Philadelphie a pour particularité d’avoir à son bord une fabuleuse rebel girl, miss Isobel Sollenberger, aussi bonne chanteuse que flutiste.
Pour ceux qui n’ont encore jamais eu la chance de découvrir l’un des deux albums cités plus haut (« Amanita » en 1996, et « Dilate » en 2001), précipitez-vous. Dépaysement et trip intense garantis.
Alors bien sûr, ici on ne parle point de tubes. La pop est proscrite, la construction des morceaux, sinueuse, et déroutante. Ne vous attendez pas à vous trémoussez sur des titres dansants. Chez Bardo Pond, l’humeur est au spleen noir, l’ambiance, moite, vertigineuse et lancinante, emmenée par la voix décalée d’Isobel, sorte de mélange improbable entre Hope Sandoval et Kim Gordon. ça sent le souffre, la drogue, le spleen romantique et désespéré. C’est souvent dérangeant et toujours envoûtant.
Alors voilà, sur ce nouvel album, nos amis de Philadelphie n’ont toujours pas froid aux yeux et explore encore et toujours de nouveaux horizons perdus. ça commence comme une ballade de cow-boy déglinguée avec « Just Once », morceau acoustique complètement décalé. Isobel chante faux, presque autant que Kim Gordon. Mais on comprend pourquoi. S’en suit de furieux effets noise (mais jamais « arty ») « Don’t Know About You », un truc à la My Bloody Valentine, ça fait du bien d’entendre ça en 2011, sans calcul, sans chichi. L’acoustique revient sur « Sleeping », ballade ensorcelante, complètement à la masse. Isobel y montre un petit étendu de ses talents de flutiste. Puis c’est l’épique « Undone », morceau expérimental vraiment barré (21 minutes tout de même)… « Cracker Wrist » recentre un peu le sujet, rappelant les beaux passages psyché de l’époque Matador. Puis l’hypnotique « The Stars Behind » vient apaiser cette fin d’album définitivement audacieux, mais bien moins évident à la première écoute que les splendides « Amanita » et « Dilate »…
Mais si vous non plus, vous n’avez pas peur d’aventurer vos sens sur des terrains glissants, allez donc découvrir ces incroyables morceaux mouvants…
Pas trop adeptes des clips nos amis de Philly, on trouve quand même ces images quelque peu psychédéliques, illustrant le titre « Tantric Porno », qui figurait sur « Amanita »…