C’est un Nouveau Casino bouillant et plein à craquer qui accueille religieusement Chris Garneau , jeune songwriter new-yorkais au français impeccable. Débutant le concert seul, armé de sa voix fragile, et de son clavier minimaliste, Chris Garneau, allure gracile et gueule d’ange, met immédiatement le public dans sa poche. On entend pas une mouche voler lors de ce set soigné, précieux et délicat. Le public semble médusé par le charisme androgyne de ce chérubin timide à la voix enfantine. Dans le style, (pop folk baroque tendance Elliot Smith/Antony and The Johnsons), Chris Garneau s’en sort d’ailleurs plutôt bien, le public parisien reste suspendu à ses lèvres et à ses silences, entre deux comptines tristes, frémissantes et élégantes. Puis un beau quintet de cordes et de cuivres s’installent, accompagnant la voix de funambule du jeune songwriter. Tout cela est très beau, propre, soigné, raffiné, mais, je l’avoue,un brin soporifique (je sais, je suis sans coeur). Même si on ne peut douter de la sincérité du beau songwriter, ni de la qualité très « indie » de ses morceaux, je me suis quand même surprise à penser par moment à autre chose…
Heureusement, Holly Miranda débarque pour me remettre les idées en place. Découverte grâce à « The Magician’s Private Library », sorti cette année chez XL, et produit par David Sitek de TV On The Radio, un très bel album de dream pop évanescente et raffinée comme on n’en entend rarement de nos jours, qui nous renvoyait aux meilleures productions du label 4AD.
En live, la jolie Holly et son groupe se révèlent beaucoup plus rock, énergiques et secoués que sur disque (ce qui n’est pas pour me déplaire). Les morceaux sont joués plus vite, plus forts, transcendés par la présence délicate de la jeune new-yorkaise, originaire de Detroit. S’éloignant de l’influence dream pop très Cocteau Twins/ Mazzy Star, qui caractérise son album, Holly Miranda propose en live une cold wave électrique, teintée de pop vaporeuse, féminine et raffinée, pleine d’échos, de claviers, de voix et d’effets en tout genre. Sur disque, sa voix fait souvent penser à Chan Marshall. En live, elle virevolte, puissante, vibrante, capable autant de caresse que d’accès de rage désespéré. Un potentiel énorme qu’on ne soupçonnait pas tout à fait. Le batteur, à l’énergie communicative, sort un peu du lot, le bassiste et le guitariste soliste faisant bien leur job dans leur coin, discrets et efficaces.
Les morceaux ensorcellent: des ballades oniriques, des comptines lumineuses et endolories, la voix magique fait le reste. Du très beau « Waves » , en passant par » Forest Green Oh Forest Green » ou « Every Time I Go To Sleep », le public, sous le charme de cette artiste incroyable, mi fée- mi sorcière, en redemande et Holly revient pour un rappel qu’elle finira seule sur scène, dans un Halleluiah poignant et somptueux. Une très belle artiste, délicate et émouvante, qui n’a pas fini de faire parler d’elle…
photos: Stéphane Dalle